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Le blog

Chronique de Zhanjiang 16

Sur la piste des joueurs de toupie chinoise

Faire un voyage de 4000 kilomètres pour aller voir des joueurs de toupies chinoises ? Il faut être cinglé ou bien vraiment accroc pour se lancer dans un tel périple. Surtout quand on ignore tout de l’endroit où on pourra trouver ces joueurs. C’est un peu comme si un touriste asiatique se rendait en Provence pour voir des joueurs de pétanque. (S’il a de la chance et s’il arrive à se faire comprendre, on lui indiquera un village ou une place où on pratique ce « sport » mais en pratique, il a peu près autant de chance que nous de tomber sur des joueurs de pétanque.) C’est pourtant le voyage que nous avons entrepris, avec pour seule indication le nom d’une province dans le nord de la Chine ; la province de Henan, pour être précis.

Après 26 heures de train, nous débarquons donc à Zhengzhou, la capitale de la province. J’imagine que là, il nous suffira d’aller nous promener dans les parcs de la ville pour découvrir des joueurs un peu partout. Le lendemain de notre arrivée, nous demandons à la réception de l’hôtel à quel endroit on peut voir des joueurs de toupie. La réponse vient sans hésitation ; dans le Parc du Peuple, un immense parc situé à quelques kilomètres de l’hôtel. Le temps de prendre mon sac avec la toupie et le fouet et nous voilà partis pour une bonne demi-heure de marche dans les avenues de la ville. A première vue, l’endroit n’est pas très excitant mais il est difficile de se faire une idée de la ville qui est quatre fois plus grande que Paris, en visitant un simple quartier.

Dans le Parc du Peuple

Le Parc du Peuple est comme tous les parcs des grandes villes chinoises, noire de monde en cette journée du mois d’aout. Mais que ce soit à Zhanjiang, Guangzhou ou Zhengzhou, on y retrouve les mêmes figures : les petits groupes d’étudiants ou de collégiens qui se promènent les yeux rivés sur l’écran de leur smartphone, les retraités installés sur un banc en train de jouer aux cartes ou au majhong, et les incontournables groupes de femmes entre deux âges qui s’exercent à la danse ou à la gymnastique sur un fond de musique crachoté par un mauvais haut-parleur. Mais de joueurs de toupies, il n’y a point. Nous faisons le tour du parc en demandant à quelques personnes qui nous renvoient d’un endroit vers un autre, mais sans succès. Jusqu’à trouver un groupe de retraités en train de jouer avec de gros yoyos dans un endroit reculé du parc. Eux sont formels, il n’y a pas de joueurs de toupie dans le Parc du Peuple. Il faut aller dans un square dont ils nous indiquent le nom : « tomaguo », ou quelques chose d’approchant. L’un d’eux écrit même le nom de l’endroit sur le sable de leur terrain de jeux.

De retour à l’entrée du parc, ma femme passe en revue les itinéraires des différents bus qui s’y arrêtent, mais sans succès. Le nom indiqué par les joueurs de yoyos ne figurent nulle part. Alors que nous nous apprêtons à renoncer, ma femme interroge une jeune fille qui attend le bus ; elle semble connaître l’endroit en question. Nous embarquons dans le bus à sa suite et ma femme questionne le chauffeur ; un début de piste s’ébauche. Le chauffeur redémarre et quelques passagers se mêlent à la conversation. Au bout de quelques minutes, un consensus s’impose : bien sûr, Tomaguo, c’est un petit square qui donne sur East Street. D’ailleurs, ce n’est pas Tomaguo mais Dong men kou. Vous descendez au sixième arrêt puis vous prenez l’avenue à droite. Vous ne pourrez pas le louper.

Les joueurs de Dong men kou

Un joueur de toupie chinoise à Dong men Kou
Un joueur de toupie chinoise à Dong men Kou

Comme d’habitude, je n’ai rien compris à la conversation mais ma femme, si. Et cette fois les indications semblent exactes. Nous descendons à l’arrêt indiqué, remontons l’avenue sur cinq cent mètres et là j’entend le claquement caractéristique du fouet des joueurs de toupies. Encore quelques dizaines de mètres et nous arrivons à l’entrée du square au fond duquel une poignée de joueurs s’agitent avec leur fouet. Ils ne sont qu’une demi-douzaine mais je n’en n’ai jamais vus autant (sauf en photos). Ils nous ignorent jusqu’au moment où je pose le sac, sort ma toupie et mon fouet. Là, tout le monde se fige et regarde l’étranger qui va lancer sa toupie. Heureusement, après 8 mois de pratique, je ne m’en sort pas trop mal et mon premier lancé est correct. Quelques coups de fouet plus tard, les autres joueurs de toupies nous ont rejoint et commencent à questionner ma femme puis à inspecter ma toupie et mon fouet. Ici comme à Zhanjiang, c’est un petit groupe informel ; des retraités pour la plupart qui se retrouvent tous les jours au square pour pratiquer leur activité favorite. Parmi eux, il y a le spécialiste qui lâche rapidement son verdict : ma toupie n’est pas terrible, trop légère. Quand au fouet, il est trop long et la lanière qui le termine trop épaisse.

Je pourrais lui dire que c’est une toupie artisanale fabriquée par l’oncle Souzai, que j’en ai d’autres plus lourdes à la maison et que j’ai choisi la plus légère pour notre voyage. Je ne dis rien ; j’ai l’habitude de ce genre de remarques. Déjà à Zhanjiang, les quelques joueurs qui pratiquent dans le parc avaient critiqué ma première toupie et mon premier fouet. Mais j’ai fini par comprendre que dans ce domaine chacun a ses préférences et dans chaque ville on a ses habitudes. Finalement, c’est un peu comme la pétanque ; certains préfèrent les boules lourdes, d’autres celles qui sont striées. Peu importe, je laisse le spécialiste bricoler mon fouet qu’il rallonge d’une trentaine de centimètres en y ajoutant une lanière plus fine. Pendant ce temps, j’en profite pour essayer le fouet d’un autre joueur, fait maison à partir de chambres à air de vélo, et tester d’autres toupies de formes variées dont une en forme de gourde qui défie les lois de l’équilibre.

Une heure plus tard, nous repartons en leur promettant de revenir dans quatre jours lorsque nous serons rentrés de Kaifeng. En effet, le lendemain nous partons visiter cette petite ville (de 5 millions d’habitants), située à une heure de train de Zhengzhou où il y aurait, paraît-il, de nombreux joueurs de toupie.

2 Comments

  1. Bernie

    Bonjour, je repars pour bosser 1 mois à yantaï en chine en janvier 2017 en me promettant d’acheter une toupie avec fouet
    J’ai réussi à obtenir le nom en écriture chinoise
    maintenant je dois trouver le magasin spécialisé dans cette ville.
    Si tu as quelques conseils à me donner, je suis preneur.

    Salutations

    Bernie

    • mlavant

      Bonjour Bernie,
      désolé de répondre avec plus de 2 mois de retard.
      Si tu passes un mois en chine, le plus simple est d’acheter ta toupie sur le Web. Demandes à un ami chinois de la commander sur Taobao.com, c’est le portail de vente en ligne que tous les chinois utilisent (l’équivalent d’Amazon ou de cDiscount).
      Comme il y a des centaines de sites qui vendent des toupies et des fouets de plus ou moins bonne qualité, je te recommandes MuTuoluo qui est un de mes fournisseurs : https://mutuoluo.world.taobao.com. Pour débuter, je te conseille d’acheter une toupie de 1kg avec un fouet (nylon) de 2,5 mètres.

      Je termine ma réponse avec deux questions/remarques :
      – si tu as l’adresse d’une boutique de toupies à Yantai, j’aimerais connaître son adresse. En effet, je sillonne la Chine depuis un an et demi et je n’ai pas trouvé beaucoup de boutiques spécialisées hormis une petite échoppe à Wuhan (Hubei) et quelques vendeurs ambulants à Kaifeng (Henan) et Guiyang (Guizhou).
      – J’ai lancé en février dernier le site Da-tuoluo.com (http://da-tuoluo.com/wordpress/), dédié à la pratique de la toupie chinoise, tu y trouvera quelques informations supplémentaires, avec notamment une section consacrée au matériel, une boutique en ligne et une galerie de photos.

      Bienvenu dans le monde de la toupie chinoise.
      Mathieu Lavant

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