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Le blog

Chronique de Zhanjiang 17

Les joueurs de toupie chinoise de Kaifeng

Pour aller de Zhengzhou à Kaifeng, il faut entre 30 et 45 mn selon qu’on prend un train ordinaire ou un TGV chinois. Comme le prix est le même et les horaires plus souples, nous optons pour le TGV. Ce qui se révèle être le mauvais choix. En effet, les TGV partent de Zhengzhou Dong (la Gare de l’Est) située à l’autre bout de la ville et il nous faut une demi-heure pour nous y rendre en taxi. Nous découvrons ensuite que la gare « TGV » de Kaifeng est située loin du centre-ville (ce que j’avais remarqué sur le plan) mais surtout que les taxis qui y attendent les clients refusent de marcher au compteur et demandent 30 Yuans pour rejoindre le centre. La somme est dérisoire mais je déteste ce genre de pratique et nous retournons vers la gare pour y prendre un bus que nous attendrons une demi-heure. Bref, le trajet en train a bien pris une demi-heure mais au total il nous aura fallu presque 4 heures pour rallier le centre de Kaifeng.

Quand on vient de Zhengzhou, Kaifeng fait figure de sous-préfecture et c’est reposant ; la ville est beaucoup plus petite et son centre, entouré d’une enceinte fortifiée, plus facilement identifiable. Mais y trouver des joueurs de toupie va se révéler aussi difficile qu’à Zhengzhou. Finalement, c’est le kiosquier chez lequel nous achetons un plan de la ville qui nous donne une première piste ; il faut aller le matin le long des remparts, à l’ouest de la ville. Comme l’après-midi est déjà bien entamé, nous décidons de reprendre le jeu de piste le lendemain et nous partons visiter la ville.

Jeu de piste

A Kaifeng, un colosse manie un fouet de dix kilos
A Kaifeng, un colosse manie un fouet de dix kilos

Le lendemain, après un petit déjeuner rapide, nous reprenons notre quête ; une demi-heure de marche nous amène au pieds des remparts ouest qui sont déserts. Nous les longeons sur un bon kilomètre sans rencontrer grand monde et surtout sans y voir un seul espace assez vaste pour accueillir quelques joueurs de toupies. Un peu dépités, nous repartons vers le centre en quête d’une autre idée et nos pas nous mènent par hasard devant l’office de tourisme. Comme il est encore tôt, le bureau est fermé et nous décidons d’y revenir plus tard. C’est à ce moment que ma femme avise un retraité qui fait sa promenade matinale ; elle l’interpelle et lui demande s’il sait dans quel endroit de la ville on joue à la toupie. Excellente idée car s’il y a des gens qui savent où l’on pratique ce sport ce sont bien les personnes âgées. Cette fois, nous tenons une piste ; l’homme lui explique que du côté des remparts il y a des joueurs qui se réunissent tous les jours. Malheureusement, le chinois qu’on parle à Kaifeng est un peu différent du cantonnais parlé à Zhanjiang et ma femme ne comprend pas exactement le nom de l’endroit. Le temps de m’expliquer tout ça, l’homme est déjà loin mais comme il marche à petit pas, nous avons vite fait de le rejoindre. Il propose de nous guider jusqu’à l’endroit et nous lui emboitons le pas pour une balade à petite vitesse dans les rues de la ville. Ma femme fait la conversation et nous apprenons ainsi que ce septuagénaire fait chaque matin une promenade de deux heures pour se maintenir en forme ; l’après midi il part retrouver des amis pour jouer aux cartes, et c’est en allant jouer aux cartes qu’il passe chaque jour devant l’endroit où se réunissent les joueurs de toupies.

Après une demi-heure de marche, nous arrivons à côté des remparts. Cette fois ce ne sont pas les remparts ouest mais les remparts sud de l’autre côté desquels s’étend un parc qui court le long du mur sur plus d’un kilomètre. Nous parcourons encore deux ou trois cent mètres et j’entends à nouveau le claquement des fouets. Cette fois ils semblent plus nombreux. Effectivement, deux minutes plus tard, nous découvrons une esplanade devant laquelle sont stationnés quelques scooters et triporteurs. Une vingtaine de personnes discutent par petits groupes en bordure de l’esplanade pendant que d’autres tapent la toupie ou s’exercent simplement au fouet. Mais ce qui me frappe en arrivant c’est la vision de ce colosse de deux mètres qui fait claquer un fouet dont le diamètre dépasse celui de mes avant-bras.

L’homme au chapeau

L'homme au chapeau
L’homme au chapeau

Comme à Zhengzhou on nous regarde arriver avec curiosité, une curiosité qui redouble lorsque je déballe la toupie et le fouet et me lance sur la piste. On sourit lorsque je rate mon premier lancé et on sourit encore lorsque je rate le second. Mais le troisième est le bon et j’ai droit à quelques signes d’encouragement d’un spectateur coiffé d’un chapeau et vêtu d’un pantalon blanc. Je comprendrai un peu plus tard que c’est un expert et un excellent pédagogue (et accessoirement celui qui fait l’article pour son ami le vendeur de toupie). Il nous rejoint lorsque je fais une pause, m’emprunte ma toupie et mon fouet et se lance ; ce n’est pas un simple spectateur mais un joueur expérimenté. Après quelques minutes, il me tend mon fouet. A moi de jouer. Il corrige les mauvaises habitudes que j’ai prises à Zhanjiang à force de pratiquer seul (avec les grosses chaleurs, Marcel, Dédé et les autres ont déserté notre terran de jeu). Placement des pieds, angle de frappe, lancé de la toupie, en vingt minutes j’en apprend plus qu’en six mois de pratique.

Commencent alors les choses sérieuses ; ll emprunte un fouet composé d’une chaine et d’une lanière, me montre comment m’en servir et me le tend. On enchaîne ensuite avec un fouet doté d’une longue poignée qui permet de frapper à deux mains, puis c’est un gros fouet de plus d’un kilo. Tous ces fouets sont plus puissants que le mien et permettent de propulser de grosses toupies sans trop d’efforts. Enfin, on passe aux toupies. Le vendeur de toupie a dans son triporteur un assortiment de toupies de toutes tailles qu’il prête volontiers aux joueurs qui fréquentent l’endroit, tout en sachant qu’il viendront le voir lorsqu’ils voudront changer de toupie. L’homme au chapeau sort une toupie de 5 kg, la lance et me tend un fouet. Pas de problème ; j’ai déjà une toupie de près de trois kilos et finalement, il y a peu de différence, si ce n’est pour le lancé. Avec la toupie de 7 kilos, en revanche, c’est un peu plus difficile, et là je reprends un gros fouet qu’on manie à deux mains. En deux heures de temps, nous avons fait le tour des différents fouets, toupies et techniques, et je suis en nage. Il me manque juste la pratique du bâton mais apparement ici personne ne l’utilise et le marchand de toupie ne propose que des petits bâtons destinés aux enfants qui veulent pratiquer la toupie.

Entre temps, j’ai repéré une toupie en forme de gourde dans l’assortiment du marchand. Je la soupèse ; trop légère. Je lui demande s’il en d’autres. Oui, il en a d’autres qu’il réserve aux acheteurs. Il sort d’un sac une toupie toute neuve, soigneusement huilée et emballée dans une vieille serviette. Superbe. Je lui demande le prix ; 200 Yuans, soit un peu moins de trente euros. C’est cher mais comme nous restons à Kaifeng deux ou trois jours, rien ne presse. Nous reviendrons le lendemain.

Le lendemain matin, nous retrouvons les mêmes joueurs au même endroit. En bon commerçant le marchand de toupies a sorti celle qui m’intéresse, et l’a placée bien en évidence au-dessus de son assortiment. L’homme au chapeau la prend, emprunte un fouet et nous testons le joujou qui doit bien faire ses deux kilos. Parfait. Je retourne voir le marchand tente de négocier le prix. En vain. Je sors deux billets de 100 Yuans et lui tend. Business is business. Et avec ma tête d’étranger, j’ai surement les moyens de payer ce prix-là. Pour la peine, je lui demande de réparer mon fouet dont la lanière ajoutée par les joueurs de Zhengzhou s’est déjà largement effilochée. Ici, on est à Kaifeng, pas à Zhengzhou ; on ne fixe pas une lanière au bout du fouet mais une longue ficelle torsadée qui se termine en langue de vipère. Le choix me laisse dubitatif mais j’ai à faire à un spécialiste et finalement le résultat n’est pas si mauvais. Encore une question d’habitude.

Deux jours plus tard, nous reprenons le train pour Zhengzhou où nous avons rendez-vous avec les joueurs de toupie de Dong men kou. Nous n’avons pas trouvé d’autres joueurs de toupies à Kaifeng, pas plus que de boutiques spécialisées. Nous sommes même retournés à l’office de tourisme dans l’espoir d’obtenir plus d’informations ; las, l’employée nous a conseillé de faire le tour des boutiques de souvenirs pour touristes sur l’avenue principale. Ce que nous avons fait sans résultat. En revanche, nous avons appris que le marchand de toupies était aussi arbitre dans les compétitions de toupies et nous avons déjà pris rendez-vous en octobre pour la prochaine compétition qui doit se dérouler dans une ville voisine.

Histoire de bâtons

Le "cow-boy" de Dong men kou manie le bâton avec la grâce d'une danseuse
Le « cow-boy » de Dong men kou manie le bâton avec la grâce d’une danseuse

La veille de notre retour à Zhanjiang (où nous habitons), nous profitons d’un dernier après-midi à Zhengzhou pour rendre visite aux joueurs de Dong men kou. Ils ont tous là, fidèles au poste, avec en plus un outsider qui arrive en même temps que nous, ses bâtons fixés sur le porte-bagage de son vélo. Moi qui désespérait de voir un joueur expérimenté manier la toupie avec un bâton, je suis comblé. L’homme a des allures de cow-boy texan, chapeau vissé sur la tête, vieux jeans et ventre proéminent mais il manie le bâton avec la grâce d’une danseuse et l’efficacité d’un joueur qui a de nombreuses années de pratique derrière lui. Naturellement, je vais le voir et lui demande :  « ni jiao wo ma ? » (tu me montres ?). L’homme ne se fait pas prier ; il prend le bâton le plus léger et exécute le mouvement au ralenti. Evident ! Ce que mon ami Dédé de Zhanjiang n’a pas réussi à me faire comprendre correctement, le cow-boy de Dong men kou me l’explique d’un simple geste. Encore une fois, c’est une question de distance par rapport à la toupie et de position du bâton. Il me tend le bâton et je répète le geste. Evident ! Une fois qu’on a compris la technique, le reste n’est qu’une question de pratique que je compte bien travailler dès notre retour.