Les retraités de Zhongshan Parc

Deux mois après mon premier voyage à Wuhan, me voilà de retour dans la capitale de la province de Hubei. Entre temps, j’ai poursuivi mes recherches sur le Web, et je repars donc avec davantage d’informations que je compte vérifier sur place. Le lendemain de mon arrivée, levé aux aurores, je prends le bus pour Zhongshan Park, un parc que j’ai visité lors de mon premier voyage mais dans lequel je n’avais rencontré aucun joueur de toupie.

Comme je l’ai compris à force de lire des articles (en chinois) sur le sujet, c’était tout bêtement une question d’horaire ; le joueur de toupie chinoise se lève tôt comme tous les chinois qui font de l’exercice. Effectivement, lorsque je débarque à Zhongshan Park vers 7 heures du matin, il fait à peine jour mais le parc est déjà noir de monde et je crois deviner le claquement des fouets depuis l’entrée.

Je n’ai plus qu’à me laisser guider par le bruit, je me faufile entre les groupes de femmes qui pratiquent la danse ou la gymnastique. Plus loin ce sont des couples qui s’exercent à la valse ou au tango, face à un professeur qui a apporté sa sono et l’a installée sur un banc. Tout ces gens sont arrivés bien avant moi, sans doute entre 6 heures et 6 heures et demie du matin, alors qu’il faisait encore nuit et que la température était proche de zéro.

Finalement, je rejoins l’esplanade circulaire que j’avais repérée lors de ma première visite et j’y découvre une vingtaine de joueurs de toupies qui tous pratiquent avec un bâton. Ce sont en majorité des hommes, pas tout jeunes, et la plupart s’exercent avec des petites toupies de 6 ou 8 centimètres de diamètre. Rien à voir avec le « monstre » de 14 cm de diamètre que je trimballe dans mes bagages depuis mon départ de Zhanjiang.

Une leçon de bâton

Après avoir posé mon sac, je déballe ma toupie et mon fouet et commence à m’échauffer sous le regard curieux des autres joueurs. Un étranger qui débarque à 7 heures du matin pour jouer à la toupie et qui de plus utilise un fouet, on ne doit pas en voir tout les jours à Zhongshan Park. Mais après mes expériences de Zhengzhou et de Kaifeng, j’ai l’habitude, et je poursuis mon échauffement, imperturbable, avant de leur montrer que je ne suis plus tout à fait un débutant. Un quart d’heure plus tard, je tombe la veste et je prends le bâton d’un mètre trente que j’ai acheté ici-même lors de mon précédent voyage. Quelques joueurs en profitent pour m’aborder ; on me demande d’où je viens, on inspecte mon bâton et mon fouet, et certains en profitent pour tester ma toupie. Je crois que j’ai réussi l’examen de passage. Lorsque je reprends le bâton, un joueur me donne quelques conseils et c’est ma première véritable leçon avec ce type de matériel. Je comprends alors que tout est dans la posture et le mouvement et surtout pourquoi je me suis froissé un muscle du dos après avoir pratiqué le bâton lors du retour de mon premier voyage à Wuhan.

Des joueurs pas si « pépères »

Après vingt minutes d’exercice, je n’ai pas fait de progrès fulgurants mais c’est normal ; tous ces joueurs pratiquent quotidiennement depuis 5 ou 10 ans et ce n’est pas en une heure de temps que je vais combler ce retard. Je laisse tourner la toupie et pars à la rencontre d’autres joueurs pour observer leur pratique et essayer leurs toupies ; je constate alors que ces petites toupies sont trompeuses. Avec leur diamètre de 6 ou 8 centimètres, elles ne pèsent pas un petit kilo comme je l’imaginais en arrivant mais bien 2 ou 3 kilos, c’est-à-dire, le poids de ma toupie en bois de 14 centimètres de diamètre. Ce qui rend plus impressionnante la prestation de ces retraités qui tout en semblant jouer « pépère » font tourner leur joujou sans aucun effort. Mais comme je le comprendrai après avoir rencontré les joueurs de Hankou Riverside Park, ici on joue tout de même « pépère » ; on donne quelques coups de bâtons et on part papoter avec les collègues ou boire un peu de thé qu’on a apporté dans son thermos. Rien à voir donc avec les « fêlés » de Hankou Riverside Park qui se battent avec des toupies de 15 kgs et des bâtons d’un mètre quatre-vingt.