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Le blog

Chronique de Zhanjiang 30

Une journée de bricolage

Comme j’ai pu le constater depuis un an et demi que nous vivons à Zhanjiang, en Chine on est pas très bricoleurs ; quand on a du temps libre on préfère aller au parc pour faire de l’exercice, jouer au badminton, au ping pong ou au cerf-volant, mais certainement pas redécorer son appartement, ou construire un nouveau meuble de cuisine. Ça viendra sans doute un jour, mais aujourd’hui, le bricolage ne fait pas partie des loisirs et du coup les magasins de bricolage comme Bricomarché ou Monsieur Bricolage sont absents même dans les grandes villes. Pour le moment, quand on veut installer un ventilateur ou remplacer un interrupteur, on appelle un artisan qui arrive avec tous ce qu’il faut, ou bien on appelle l’oncle Souzhai qui, lui, est un bricoleur professionnel.

IMG_2917N’étant, moi-même, pas un grand bricoleur, cette situation ne m’avait jamais vraiment dérangé jusqu’au jour où j’ai voulu poncer et vernir la nouvelle toupie de 4 kg que j’avais acheté. En France, je me serais justement rendu dans un de ces magasins de bricolage pour y acheter papier de verre, pinceau et vernis. A Zhanjiang, c’est un peu plus compliqué, et quand on s’attelle à une tâche comme celle-ci juste avant les vacances du Nouvel An Chinois, on frise Mission Impossible (en particulier quand on ne maitrise pas la langue…).

Bref, la première étape étant de poncer cette fameuse toupie, il me fallait trouver du papier de verre. J’ai d’abord demandé à mon épouse comment s’appelait ce fameux papier en Chine et j’ai aussitôt oublié la réponse ; c’était encore un de ces mots imprononçables pour un étranger et je savais avant même d’avoir essayé qu’on ne me comprendrai pas.

Heureusement, entretemps, ma femme est venu nous voir au parc où je m’entraîne avec Dédé, Riton et Marcel ; j’ignore ce qu’elle leur a dit mais le lendemain, à ma grande surprise, Dédé arrivait avec trois feuilles de papier de verre qu’il m’a donné sans façons. Je l’ai remercié et une fois rentré à la maison, j’ai commencé à penser à l’organisation de mon chantier.

Avant de me lancer, je devais encore acheter du vernis et un pinceau car une fois la toupie poncée, il n’était pas question de la réutiliser avant que le travail ne soit terminé. Pour cette opération, je voyais à peu près où me procurer le matériel ; en effet, dans le quartier de « feue » la grand-mère il y a une multitude de boutiques qui vendent des meubles en bois : tables, chaises, tabourets. C’est là que nous nous sommes équipés lors de notre installation à Zhanjiang et je m’imagine que ce boutiques doivent vendre du vernis et des pinceaux.

Mais le temps de cogiter à tous ces détails, les fêtes du Nouvel An sont arrivées et les commerçants ont commencé à baisser leur rideau de fer pour trois, quatre jours ou même une semaine et j’ai dû prendre mon mal en patience. Finalement, j’ai encore attendu 6 jours ; le temps que les premières boutiques rouvrent, et comme ma femme était en vacances, je lui ai confié la mission dont elle s’est acquitté sans problème. Elle est revenue avec un pot de vernis qui ressemblait à n’importe quel pot de vernis, un pinceau et une bouteille qui contenait du diluant, de l’accélérateur ou du retardeur. Je n’ai pas très bien compris ce dont il s’agissait et elle non plus apparement. En fait, il s’agissait de diluant pour le vernis qui accessoirement permet d’accélérer le séchage.

Deux semaines après avoir programmé cette opération de bricolage, j’ai enfin tout le matériel. Je m’installe sur le balcon aménagé en cuisine et attaque la toupie avec le papier de verre. Le bois est dur et les marques de fouets que je souhaite effacer résistent. L’idéal serait d’avoir une perceuse avec un disque de ponçage, ou mieux une ponceuse. Mais ne rêvons pas. Après une heure de travail, ma toupie a retrouvé une nouvelle jeunesse. Je vais pouvoir passer à la seconde étape, le vernissage.

Durant ma semaine d’attente, j’ai eu le temps de réfléchir à la meilleure solution ; comment vernir la toupie sans m’en mettre plein les mains, ni laisser des traces de doigts sur celle-ci. J’ai trouvé la réponse dans la cuisine et dans la pièce qui nous sert de dressing où les anciens locataires ont laissé quatre fers à bétons qui servaient sans doute à tendre une moustiquaire au-dessus d’un lit. Je vais embrocher ma toupie à l’aide d’un de ces fers et la suspendre au dessus du plan de travail de la cuisine à l’aide des crochets que j’y ai découvert.

En quelques minutes, je fais mon installation qui tient vraiment du bricolage mais se révèle parfaite ; la toupie est suspendue à dix centimètres au-dessus du plan de travail, comme un porcelet qu’on prépare avant de le passer à la rôtissoire, et je peux la faire tourner librement sans la toucher. Je prépare mon vernis dans une bouteille en plastique coupée en deux en ajoutant une dose de diluant et je passe une première couche. Ma femme avait raison lorsqu’elle m’a conseillé de mettre un masque chirurgical ; ce vernis est un véritable concentré de produits chimiques.

IMG_2920Reste à attendre que ce vernis sèche avant de passer une seconde couche ; combien de temps ? Une heure ? Deux heures ? Une journée ? Finalement, ce sera 24 heures. Le lendemain, après avoir vérifié que le vernis était sec, je passe donc une seconde couche et patiente encore une journée complète avant de démonter mon installation. Je décroche la toupie, retire ma broche improvisée et remets en place la tête de la toupie avec sa bille sur roulement. Le résultat est honorable, hormis le fait que le pinceau était de mauvaise qualité et qu’il a laissé quelques poils sur la toupie ; le pinceau ira à la poubelle avec le fond de vernis inutilisé. Quand au pot de vernis et au diluant, je les remise sous l’évier en attendant une prochaine séance de vernissage.

Bilan de l’opération : 15 jours de préparation, quelques heures de travail et 20 Yuans de dépense. J’aurais pu confier ma toupie à un artisan qui aurait fait le travail en deux jours et ça ne m’aurait pas couté beaucoup plus cher mais j’étais curieux de voir ce qu’on pouvait faire avec les moyens du bord. Du bricolage à la chinoise en quelque sorte.