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Le blog

Chroniques de Zhanjiang 08

Nouvel An Chinois

Cela faisait déjà quelques temps que nous n’avions pas passé les fêtes du Nouvel An Chinois en Chine. Mais cette année, comme nous sommes installés à Zhanjiang et que j’attends toujours mon nouveau passeport, pas moyen d’y échapper.

Cette année, c’est l’année de la Chèvre (du mouton ou du bélier, selon la traduction), un mauvais signe selon les chinois ; ce qui ne les empêche pas de mettre cet animal à toutes les sauces et depuis le début du mois de Février on en trouve dans toutes les boutiques spécialisées, et autres papeteries qui durant quinze jours se transforment en vendeurs de décorations : lampions, papiers découpés, man sen, tue lien…

On en trouve même dans les supermarchés de la chaîne Walmart qui vend des peluches en forme de chèvres. Mais la véritable offensive commerciale a commencé bien avant, juste après Noël, ou plutôt après le 1er Janvier. Sitôt les bonnets de Père Noël rangés, on a vu surgir les étalages de boîtes de biscuits, et coffrets d’alcool de riz ou de Cognac dont les chinois raffolent. Mais curieusement, alors que durant la période de Noël les boutiques et supermarchés moulinent sans relâche les « Jingle bells » et autres vieilles rengaines américaines, avant le Nouvel an Chinois on a pas droit à ce même matraquage musical.

A défaut, on aura droit à une augmentation générale des prix. A l’exception des billets de train qui avaient tendance à enfler dans des proportions considérables avant le Nouvel An et dont le gouvernement a depuis quelques années bloqué les prix. Mais si vous souhaitez voyager en train, il vaut mieux vous y prendre à l’avance, car durant cette période les trains sont bondés, à tel point qu’à certaines dates, on ne trouvera même pas une place assise sur une vieille banquette en bois (hard seat), pour un trajet longue distance.

En revanche, les transport privés, comme les nombreuses compagnies de bus qui desservent Guangzhou sont libres de fixer leur prix. Et durant les vacances du Nouvel An Chinois, le billet de bus Zhanjiang – Guangzhou, qui vaut habituellement 60 Yuans, passe à 180 Yuans. De même les commerces et les restaurants augmentent leurs prix dans des proportions variables : ainsi le petit restaurant de nouilles qui nous sert de cantine a augmenté ses tarifs d’un Yuan par plat, alors que le coiffeur situé au bout de l’impasse où nous habitons demande 10 Yuans de plus pour la coupe avec shampoing qui coute d’ordinaire 35 Yuans.

A moins d’être là en touriste, de séjourner à l’hôtel et de manger au restaurant, l’augmentation des prix reste assez anecdotique. Le plus gênant est la fermeture de tous ces petits magasins et échoppes, qui le reste de l’année sont ouverts 7 jours sur 7. Dans notre quartier, tous les petits restaurants ont baissé leur rideau de fer ; à l’exception de notre cantine favorite qui est tenue par une famille musulmane, et de mon marchand de cigarettes qui tient une échoppe, à côté de l’arrêt de bus. De mêmes, les magasins d’électronique qui constituent l’essentiel des commerces de la rue, ont fermé boutique. Tout comme le coiffeur, qui a fermé la veille du Nouvel An. Inutile non plus d’aller à la poste, le bureau du quartier a fermé ses portes et ne rouvrira que dans cinq jours. En revanche, le supermarché reste ouvert et sera même ouvert le jour du Nouvel An.

Tue Lien et Man Sen

Quand on vit en Chine, on oublie vite ces genre de désagréments et on préfère se consacrer à la préparation du Nouvel An en respectant quelques traditions. Tout d’abord nettoyer la maison, ensuite décorer la porte. Côté nettoyage, nous avons fait le minimum, et j’en ai presque honte quand je vois nos voisins qui depuis quinze jours travaillent sans relâche et vont même, pour certains, jusqu’à repeindre la grille qui protège leur porte.

Côté décoration, en revanche, c’est un peu plus amusant. En France, on achète les branches de gui, boules de Noël et autre guirlandes lumineuses qu’on accrochera sur le pas de la porte. Ici, on a le choix entre les décorations classiques, lampions, papiers découpés et autre signe Fu que l’on trouve dans le quartier chinois de n’importe quelle ville d’Europe ou d’Amérique, et des décorations plus traditionnelles qui ont du mal à s’exporter : les Tue Lien, les Man Sen et les mandariniers.

Un peintre de Tue Lien dans un vieux quartier de Zhanjiang, avant le Nouvel An Chinois
Un peintre de Tue Lien dans un vieux quartier de Zhanjiang, avant le Nouvel An Chinois

Le Tue Lien est un ensemble de trois panneaux portant chacun une inscription que l’on place au-dessus et de chaque côté de la porte ; ils expriment en général les vœux de bonheur et de prospérité des habitants du logement. Mais le fond et la forme peuvent varier suivant que vous achetez votre Tue Lien dans une boutique de décorations, ou bien que vous demandez à un peintre de rue de le réaliser. Dans le premier cas, vous aurez droit à un Tue Lien, imprimé et plein de dorure ; dans le second, une calligraphie originale faite au pinceau sur un simple papier rouge.

Au cours de mes déambulations, j’avais repéré au fond d’une cour un vieux peintre qui faisait de belles calligraphies et je comptais bien y retourner avant le Nouvel An pour acheter notre Tue Lien. Mais j’ai eu le tort d’en parler à un cousin de ma femme lors du dîner en l’honneur de la grand-mère décédée, et le même soir, un coursier sonnait à notre porte pour nous livrer un Tue Lien dont l’encre était peine sèche.

Dans ces conditions, difficile de refuser ou d’acheter un autre Tue Lien. Il faudra utiliser le Tue Lien du cousin, même si la calligraphie n’est pas très belle et la formulation assez alambiquée. Bref, le lendemain, veille du Nouvel An, nous allons avec ma femme acheter de quoi accrocher le Tue Lien sur l’encadrement de la porte. Ici, pas question de bombes de colle ou un même de scotch double-face, on vous vend un gros pot de colle, semblable à ceux qu’on trouve dans tous les bureaux de poste pour coller les timbres, et un pinceau.

De retour à la maison, j’étale des journaux par terre et badigeonne abondamment le dos des trois panneaux avant de les poser autour de la porte. La colle est humide et déforme le papier qui est très fin, mais l’essentiel est que notre Tue Lien ne se décolle pas avant la fin de l’année qui débute demain.

Pour décorer la porte elle-même, dans les villages, on colle un Man Sen (le dieu de la porte, en Chinois) sur les deux battants. Il s’agit de l’effigie d’un guerrier barbu et moustachu, en armure, portant une lance, qui est sensé protéger les habitants de la maison des mauvais esprits. En ville, on préfère une représentation du signe de l’année, et du coup, les Man Sen sont difficiles à trouver dans les échoppes qui vendent des décorations pour le Nouvel An.

Une porte décorée du Man Sen et du Tue Lien dans un vieux quartier de Zhanjiang.
Une porte décorée du Man Sen et du Tue Lien dans un vieux quartier de Zhanjiang.

Mais à Zhanjiang, comme dans toutes les « grandes » villes chinoises, il y a toujours ces vieux quartiers populaires, qu’on appelle les « villages » et dans lesquels on peut encore trouver de beaux Man Sen pour quelques Yuans. Le plus souvent, ce sont des boutiques éphémères qui, dès le jour du Nouvel An, ferment pour retrouver leur vocation première une fois les vacances terminées : boutique de loto, coiffeur, vendeurs d’objets rituels, etc. Et c’est ainsi que je me suis fait avoir ; j’avais repéré de beaux Man Sen dans le quartier où habitait feu la grand-mère et je pensais naïvement faire mes achats le jour de l’An. Et ce jour-la, bien sûr, la boutique avait fermé ses portes. De toutes manières, la porte de notre appartement était trop étroite pour accueillir les deux Man Sen, et nous avons finalement décidé de coller un simple signe Fu qui symbolise le bonheur, la santé et la prospérité.