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Le blog

Chroniques de Zhanjiang 12

Dédé, Marcel, Pierrot et les autres…

En France, ils s’appellent Dédé, Marcel, Riton ou Bob…, on les trouve sur le terrain de pétanque en fin d’après midi, au PMU ou au Bar des Amis à l’heure de l’apéro. C’est un cliché bien sûr, mais même si vous ne fréquentez ni le Bar des Amis, ni le PMU, ni le terrain de pétanque, vous avez déjà croisé Marcel, Dédé ou Bob.

Ici, à Zhanjiang, ils ont pour nom Man Chuan, Wei Jin, Zhang Fei, ou n’importe quel autre combinaison de deux caractères chinois, ils sont retraités et on les rencontre un peu partout. Mais pas au Bar des Sports car ici les bars n’existent pas. On trouve bien quelques boutiques qui vendent du café, du thé et des jus de fruits mais aucun endroit ou vider un ballon de rouge ou s’offrir un « pastaga » en rentrant du boulot. C’est dommage, car en revenant de ma séance de toupie chinoise, j’aurais apprécié trouver une terrasse ombragée où savourer un demi de bière bien frais.

A Zhanjiang, comme partout en Chine, les retraités travaillent quand ils le peuvent pour améliorer leur maigre retraite. Ils règlent la circulation à la sortie des écoles, assurent la sécurité des immeubles ou font mille petits boulots quand ils ne se font pas, tout simplement, réembaucher par un employeur privé.

Quant aux autres, on les trouve dans certains jardins publics en train de jouer aux cartes, dans des salles de jeux de mah-jong, ou on les croise dans les parcs en train de faire leur exercice quotidien. Au final, ils ne sont qu’une poignée à pratiquer la toupie chinoise mais ce sont eux qui m’intéressent car je les fréquente quotidiennement.

Il y a d’abord Dédé  qui arrive toujours avant les autres sur son vieux vélo déglingué, avec ses fouets, sa toupie en métal et ses bâtons accrochés sur le porte-bagage. Toujours impeccablement vêtu, pantalon à pince, polo ou chemisette repassé. Il pose son sac sur la scène où nous jouons à la toupie, déballe son matériel puis allume une cigarette avant de se mettre à l’ouvrage.

Arrive ensuite Marcel, même vélo, même profil, en un peu plus jeune. Mais depuis que le Prof est parti, c’est lui le spécialiste de la toupie. Il trimballe dans son sac ses fouets, ses deux toupies, dont une petite toupie en Bakélite qui fait à peine 8 cm de diamètre mais pèse bien son kilo, et tout l’attirail pour réparer les fouets : lanières, vieilles chambres à air, sparadrap et l’indispensable couteau.

Riton, lui, arrive plus tard. Il a acheté un de ces vélos électriques qu’on trouve pour moins de 150€ à Zhanjiang et le range à côté de la scène, après l’avoir soigneusement cadenassé. Riton est un peu plus jeune, quoi que – j’ai toujours beaucoup de mal à donner un âge à ces chinois qui ne sont plus tout jeunes mais pas encore « décrépis » -, il arbore des tenues « sport » et pratique uniquement le fouet. Il s’agit d’une autre discipline sportive qui consiste à manier et à faire claquer un fouet de plusieurs kilos, une pratique dont je reparlerai lorsque je l’aurai expérimentée.

Enfin, il y a le Prof, l’intellectuel de la bande. C’est le spécialiste du fouet et de la toupie qui, d’après ce que j’ai compris, a enseigné la pratique de ces activités au reste de la bande avant de repartir pour Beijing. C’est lui qui m’a enseigné les rudiments de la toupie chinoise, et comme un gamin, j’attends son retour à l’automne pour lui montrer mes progrès.

De fait, depuis le départ du Prof, les troupes se sont un peu relâchés ; Dédé, Marcel et Riton passent plus de temps à préparer leur bulletin de loto à l’ombre du banian qu’à faire de l’exercice. En effet, faute de parler la langue, j’ai mis un peu de temps à le comprendre, mais chaque après-midi il y a ce type en scooter qui vient encaisser les bulletins de jeu.

Finalement, les femmes sont absentes de ce petits cercle d’habitués ; hormis Josiane, la femme de Bob, un outsider qui passe régulièrement nous voir. Lui, c’est un grand gabarit et un touche à tout ; il arrive les mains dans les poches, emprunte un fouet à Dédé ou à Marcel et vient taper la toupie avec moi. Il possède aussi une vielle toupie qu’il a apportée une ou deux fois mais, visiblement, il préfère jouer avec nos toupies.

Josiane, elle, est une femme sans âge ; je lui donnerais 50 ans, mon épouse lui en donnerai dix de plus. Elle accompagne son mari et parle trois mots d’anglais. En fait, elle connaît surement plus de trois mots mais comme beaucoup de Chinois qui n’ont pas l’habitude de rencontrer des étrangers, elle n’ose pas se lancer.

Et les autres femmes, demanderez-vous ? Elles sont à la maison, en train de briquer leur intérieur en attendant le retour du mari. Ou bien, lorsqu’elles ont des petits-enfants, elles jouent le rôle de nounou, gratuite, pendant que leur fille travaille ou va faire du shopping. C’est un peu caricatural, mais c’est le reflet d’une société en pleine mutation où trois générations partagent encore un même appartement sans que personne n’y trouve à redire.