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Le blog

4 janvier 2013 : De Nanning à Hanoï

Situé entre la province du Guanxi et celle de Guangdong, Nanning est une ville frontière, une ville de transit. C’est aussi le point de passage obligé pour celui qui veut prendre le train pour se rendre à Hanoï. C’est en effet la seule ligne de chemin de fer qui traverse la frontière chinoise en direction du Vietnam (la ligne de Kunming à Lao Cai étant fermée depuis des décennies suite à un glissement de terrain), une ligne qui a été rouverte récemment et que nous avons empruntée lors de notre premier voyage au Vietnam en 2009.

Pour cette dernière journée qui sera courte, nous avons rendez-vous dans un restaurant en face de l’hôtel avec Wan Jiang, sa femme et ma belle-mère. Ils souhaitent nous accompagner jusqu’à la gare. Après le déjeuner, nous chargeons donc les bagages dans un taxi dans lequel nous embarquons avec mon épouse et son frère. Sa femme et ma belle-mère nous suivent en bus. Nous nous retrouvons une demi-heure plus tard sur le parvis de la gare.

Je les abandonne quelques instants pour aller acheter des cigarettes et nous pénétrons dans l’immense bâtiment, conçu pour accueillir des milliers de voyageurs comme c’est le cas durant les grandes migrations du Nouvel An Chinois. À dix jours des vacances, la gare est encore calme, et nous n’avons pas à faire la queue au contrôle à l’entrée de la gare. En effet, dans la plupart des gares chinoises, il faut montrer son billet de train pour pénétrer dans l’édifice. Les accompagnateurs ne sont admis que s’ils ont acheté un « ticket de quai ».

Pour quelques yuans, j’ai donc acheté des tickets de quai pour toute la famille qui nous accompagne ainsi jusqu’à la salle d’attente : un immense hall meublé d’interminables rangées de sièges en plastique où s’entassent gens et bagages. Ici, ce n’est pas Shanghai et son TGV, les voyageurs qui prennent le train à Zhanjiang sont en partance pour de lointaines destinations : Kunming, Pékin, Xian… et si certains voyagent légers avec un simple petit sac à dos, nombreux sont ceux qui repartent avec d’innombrables bagages, cartons et même des sacs de riz de 50 kg.

Comme d’habitude, je suis le seul européen dans cette foule asiatique et on me regarde et me dévisage avec curiosité. Ça ne me dérange pas, ici on ne voit pas des étrangers tous les jours. Et si ces voyageurs avaient des rudiments de français ou d’anglais, ils n’hésiteraient pas à m’aborder pour me bombarder de questions comme le font les étudiants que nous avons croisés à Guangzhou, Hongkong ou Pékin.

Finalement l’heure du départ approche, les contrôleurs ouvrent les grilles qui permettent l’accès au quai et la foule s’engouffre dans ce passage étroit. Nous faisons nos adieux à la famille et nous rejoignons le quai sur lequel nous attend l’express de Nanning.

Tous les trains chinois se ressemblent, et entre l’express de Shanghai et celui de Nanning, il n’y a guère de différence. Nous retrouvons donc un box de six couchettes et nous installons nos bagages. Cette fois le voyage sera court puisqu’il y a à peine six heures de trajet entre Zhanjiang et Nanning. Si le train n’a pas de retard, nous devrions donc arriver vers 21 heures, juste à temps pour diner avant que les restaurants ne ferment. Pour l’hôtel, nous avons prévu de prendre une chambre dans un grand hôtel juste à côté de la gare, comme nous l’avions fait lors de notre dernier voyage.

Mais il y a toujours une part d’imprévu même lorsque l’on revient dans une ville que l’on croit connaître. Cette fois, c’est l’hôtel dans lequel nous pensions passer la nuit. Il est en cours de rénovation et fermé pour une durée indéterminée. Qu’à cela ne tienne. Ce ne sont pas hôtels qui manquent autour de la gare de Nanning et lorsqu’on voyage avec une autochtone, trouver une chambre décente ne pose aucun problème, même si l’employé de la réception ne parle que le chinois.

Nous reprenons nos sacs et traversons l’immense esplanade de la gare, en direction d’un autre établissement dont l’enseigne clignotante a attiré mon regard. L’hôtel n’est pas tout à fait récent, mais les chambres y sont à un prix raisonnable (entre 100 et 150 yuans). Nous suivons le réceptionniste à l’étage pour visiter une chambre. Rien à dire, les chambres sont d’une propreté immaculée tout comme les couloirs dont le sol en faux marbre brille sous l’éclairage des néons. L’ensemble est sinistre à souhait, mais pour une nuit, ce sera parfait. Nous choisissons une chambre avec vue sur l’avenue et les néons de l’hôtel.

Les abords de la gare à Naning
Les abords de la gare à Nanning

Le temps de visiter la chambre, de redescendre à la réception pour remplir la fiche d’inscription, régler le prix de la chambre plus la caution pour la clé et remonter poser les bagages, il est déjà tard et la plupart des restaurants du quartier ont déjà fermé. Nous nous rabattons donc sur une cantine ouverte à tous les vents où nous avalons un bol de nouilles et des légumes sautés.

Le lendemain une aube grise se lève sur Nanning rendant la ville encore plus sinistre que d’habitude. Il va falloir tirer la journée avant le départ du train de Hanoi vers 18 heures. Dix longues heures à passer dans une ville où il n’y a pas grand-chose à faire, surtout lorsque la température frôle les 9° et que l’on coltine de bagages d’une vingtaine de kilos. Nous décidons de payer un supplément pour garder la chambre d’hôtel jusqu’à 16 heures.

Ensuite, nous retournons à la gare pour acheter les billets de train pour Hanoï. Comme il faut présenter les passeports avec le visa pour le Vietnam, nous n’avons pas pu les acheter plus tôt. Heureusement, il n’y a jamais foule sur cet itinéraire et nous trouvons deux soft sleepers dans un compartiment de 4. C’est un peu plus cher que les hard sleepers que nous prenons d’habitude. Mais pour ce genre de voyage autant être bien installé.

Déjeuner dans un restaurant glacial, retour à l’hôtel puis nous repartons en balade. Direction un grand centre commercial que j’ai repéré sur Google Maps. C’est le genre d’endroit idéal pour tuer le temps : il y fait chaud et on y trouve toujours un supermarché où l’on pourra découvrir les produits locaux. Hélas, dans ces contrées lointaines Google n’est pas toujours à jours, et le centre commercial a déjà connu son heure de gloire et son déclin. Les stands de produits de beauté que l’on trouve traditionnellement au rez-de-chaussée ont cédé la place aux vendeurs de climatiseurs et de lave-linges. Quant au supermarché, il est presque désert et ses rayons sont au trois-quarts vides. Qu’importe, cette promenade nous aura permis de grignoter un peu le temps qui nous sépare de notre départ.

Quand on a épuisé toutes les ressources pour tromper l’attente, la dernière solution est le salon VIP de la gare. Toutes les grandes gares chinoises disposent de confortables salles d’attentes, réservées aux voyageurs « fortunés » qui ont les moyens de payer 10 ou 20 yuans (1 ou 2 euros), pour profiter d’un salon à l’écart de la cohue, équipé de confortable fauteuil et parfois chauffé. Dans celui de la gare de Nanning, la température n’est pas vraiment tropicale, mais on dispose d’eau chaude pour préparer le thé et l’on peut embarquer dans le train dix minutes avant la foule des voyageurs. C’est donc là que nous échouons deux heures avant le départ.

Vers 18 heures, une hôtesse annonce enfin l’embarquement. Après un nouveau contrôle des passeports et des billets, nous rejoignons le quai où nous attend le train de Hanoï. C’est encore un train chinois mais il est beaucoup plus court que ceux que nous avons pris jusqu’à présent. Cinq ou six voitures dont une réservée aux employés de la compagnie, et une autre qui abrite le wagon-restaurant. Encore un contrôle des billets et des passeports à l’entrée du wagon et nous gagnons notre compartiment.

Comme nous avons pris des softs sleepers, nous avons droit à un véritable compartiment, fermé par une porte qui le sépare du couloir ; larges couchettes, couvre-lits, napperon et rideaux de dentelles, on se croirait dans un de ces vieux wagons de la compagnie des wagons-lits. Mais le compartiment compte 4 couchettes et il est encore trop tôt pour dire si nous n’allons pas avoir de la compagnie.

À 18 heures 20 précises, le convoi s’ébranle et traverse lentement les faubourgs de Nanning déjà plongés dans l’obscurité. Quelques minutes plus tard, le train a quitté la ville et aborde les montagnes qui constitue la frontière entre la Chine et le Vietnam. Nous recevons d’abord la visite du chef de wagon qui récupère nos billets, puis celle du steward du wagon-restaurant qui vient prendre notre commande pour le diner. Rendez-vous à 19 heures au wagon-restaurant.

Après un copieux diner, nous revenons à notre compartiment et nous constatons avec plaisir que nous n’aurons pas à le partager avec d’autres voyageurs. Nous profiterons donc de notre tranquillité jusqu’à notre arrivée à Hanoï. Une tranquillité toute relative, car deux haltes sont prévues : la première à la frontière chinoise à Pinxiang, au milieu de la nuit et la seconde, une heure plus tard, à Dong Dang, la frontière du Vietnam. Pour avoir déjà fait le trajet une première fois en 2009, nous savons qu’à chaque fois, il faudra vider le compartiment et coltiner les bagages jusqu’au bâtiment de la gare.

Effectivement, si les horaires ont légèrement changé, le programme reste identique. Vers minuit, un officier chinois tambourine à la porte du compartiment. Il récupère nos passeports et nous informe que nous arrivons à la frontière chinoise. Dix minutes plus tard, le convoi s’arrête dans une petite gare en rase campagne, éclairée comme en plein jour. Nous ramassons nos sacs, descendons du train et traversons les voies pour rejoindre la gare, encadrés par des fonctionnaires des douanes et de la police. Nous sommes une cinquantaine de voyageurs, à peine plus nombreux que le personnel du train : chefs de wagons, contrôleurs et employés du wagon-restaurant.

Les bagages sont passés au scanner et nous patientons une bonne demi-heure pendant que les fonctionnaires contrôlent et tamponnent les passeports. On vérifie que les passeports correspondent bien à la liste des passagers qui ont embarqué à Nanning, et comme heureusement, il y a coïncidence, on nous autorise à regagner nos compartiments. Inutile de nous recoucher puisque dans moins d’une demi-heure, nous nous arrêterons à la frontière du Vietnam.

À Dong Dang, changement de décor, mais le scénario est identique. Nous débarquons une nouvelle fois du train avec armes et bagages et rejoignons l’antique gare qui date de la colonisation française. Ici ce n’est plus le portrait de Mao, mais celui de Ho Chi Min qui trône dans le hall, et si les uniformes des douaniers et policiers semblent un peu plus défraichis que ceux de leurs homologues chinois, ici on ne rigole pas plus que de l’autre côté de la frontière. Un fonctionnaire collecte les passeports, puis nous devons passer au dépistage du SRAS obligatoire (cout 1 $). Dans le bureau de la police des frontières ouvert sur le hall, ils sont une demi-douzaine de fonctionnaires qui inspectent nos passeports sous toutes les coutures. Ils les tamponnent et re-tamponnent, les signent et les contre-signent. Une demi-heure plus tard, un fonctionnaire ressort du bureau, une pile de passeports à la main et commence à faire l’appel. Nous récupérons un à un nos passeports et regagnons le train sans attendre le feu vert des autorités.

Après le passage de cette double-frontière, on s’écroule sur les couchettes et l’on s’endort naturellement sans penser que dans quelques heures, nous arriverons au terminus de Gia Lam, dans les faubourgs de Hanoï.