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Le blog

Chronique de Zhanjiang 33

L’histoire du concombre qui se prenait pour un cornichon

Plus d’un an et demi après notre installation en Chine, je rêve encore de cuisine occidentale. Mais à présent ce sont des rêves éveillés que je convoque à dessein pour taquiner mon épouse ; une salade craquante, assaisonnée d’un filet de vinaigre balsamique, une tranche de Cantal à point, accompagnée d’une baguette croustillante, ou une simple andouillette poilée avec quelques pommes de terre salardaises…

Je pourrais remplir quelques pages avec la liste de ces mets qui nous mettent l’eau à la bouche mais la cuisine chinoise est riche de ressources, et sans aller dans des restaurants déguster des plats hors de prix (même pour un occidental), on peut découvrir des plats qui ne manquent pas d’intérêts.

Un cornichon qui s’ignore

Ma première découverte concerne le concombre qu’on trouve en abondance sur les marchés chinois. C’est une découverte qui ne date pas d’hier mais je n’avais jusqu’à présent pas eu l’occasion d’écrire sur ce sujet. Dans le nord du pays, on mange le concombre émincé en salade, mélangé avec des carottes, des nouilles de soja, du tofu et d’autres ingrédients, ou bien en accompagnement du Jing Jiang Rou Si (une sorte de « nachos » à la mode chinoise où la galette de blé est remplacée par une feuille de tofu compressé) ; dans le sud, on le fait simplement sauter dans le wok. Et là, le miracle s’accomplit ; le concombre se transforme en cornichon ! Ma découverte n’étonnera pas le botaniste du dimanche qui sait depuis longtemps que concombres et cornichons sont deux variétés d’une même plante « Cucumis sativus » mais pour le néophyte que je suis le constat a de quoi surprendre.

Un plat de concombre sauté, assaisonné d’ail et piment rouge. Photo redocn.com

Faites le test ; coupez un concombre en rondelles et faites-le sauter comme vous le feriez avec des courgettes. Au bout de quelques minutes la transformation s’opère ; les tranches de concombre ont perdu leur goût du concombre pour prendre celui du cornichon.

Une carotte blanche

Afin de rester dans le domaine des légumes, parlons un peu du navet chinois. Tout le monde connaît son homologue occidental dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’est pas réputé pour sa saveur franche et prononcée. Certes, les grands chefs diront que je n’ai rien compris à ce légume et qu’il suffit de le faire revenir dans un bouillon parfumée d’une pincée de safran de Poméranie et de quelques lamelles de truffes du Périgord pour qu’il dévoile une palette de saveurs insoupçonnées. Mais pour moi, le navet est tout juste bon à compléter la garniture d’un couscous ou d’un pot-au-feu.

Le navet chinois est en revanche un légume beaucoup plus intéressant, même s’il semble que ce ne soit pas vraiment un navet mais plutôt un radis. En effet, en chinois ce « navet » se nomme radis blanc (bai luo bo) et de fait, il a plutôt la forme d’une carotte (hu luo bo), mais il a le goût d’un radis noir et au final ressemble à une carotte blanche. Quoi qu’il en soit, si vous êtes en France et allez chez Tang ou chez un marchand de légumes chinois pour demander un navet chinois, on vous proposera ce fameux « bai luo bo » dont je suis en train de parler.

Les fameux navets chinois.
Les fameux navets chinois. Photo DR.

En Chine, on utilise ce « navet » coupé en tranches pour préparer une soupe qui réchauffe instantanément le corps en hiver, lorsqu’il fait 12° dans l’appartement, ou bien on le fait sauter après l’avoir émincé, comme les « tu dou si », ces pommes de terres émincées, assaisonnées de vinaigre qu’on mange beaucoup dans le nord de la Chine (un plat dont j’aurais sans doute l’occasion de reparler dans un prochain billet).

Un ragout de chien

Dans le sud de la Chine on mange aussi du chien, une viande « chaude » selon la médecine traditionnelle chinoise. Donc un aliment à consommer lorsqu’il fait froid. Amateur de chiens vivants, j’ai toujours retardé le moment de goûter à cette viande jusqu’au jour où ma belle mère a rapporté du chien pour le dîner que nous partagions avec elle. J’avais déjà vu ces chiens entiers, cuits et suspendus comme de vulgaires poulets dans les échoppes situées à proximité du marché ; ceux-ci ressemblaient à des lévriers mais ce qui m’avait troublé c’est ce trou circulaire au milieu du crâne qui faisait penser à une exécution par balle…

Photo : vendeur de chien cuit (à venir)

Bref, une fois dans l’assiette, le chien ne ressemble plus à un chien mais à du mouton ou du sanglier ; une viande de couleur foncée, à la texture serrée et au goût poivré. L’expérience n’est pas déplaisante mais je crois que le chien ne fera jamais partie de mes plats favoris.

Un ragoût de chien. Photo redocn.com

Des soupes «médicaments»

Quand on partage sa vie avec une femme qui a repris des études de médecine traditionnelle chinoise (sur le tard) et dont la mère est, elle-même, médecin, on découvre que les préceptes de la médecine chinoise sont omniprésents dans le choix des aliments et en particulier dans la soupe qu’on mange tous les jours. Chez ma belle-mère, on commence le dîner par un bol de soupe et on le termine par un autre bol de cette même soupe, avant de manger un fruit quand il y en a. Cette soupe est un bouillon de poule, de canard ou de porc, dans lequel on ajoute, un légume, une plante ou un coquillage particulier qui lui confère des vertus thérapeutiques ou préventives, selon le cas.

J’ai ainsi appris que le bouillon de canard avec des morceaux de poires était parfait pour les poumons, que les baies et les feuilles de Godji étaient excellentes pour les yeux (et le foie), que certains coquillages, comme les « nacres » agissaient sur la tension et que les soupes au gingembre et jingseng apportaient un supplément d’énergie qui permettait de lutter efficacement contre le froid ou la fatigue. Naturellement, certains lecteurs sceptiques se demanderont si « ça marche ». Je leur répondrai : « bien sûr ». Mais attention, ces soupes sont des médicaments, dans le sens chinois du terme ; elles sont davantage destinées à prévenir qu’à guérir. En d’autres termes, inutile de faire une cure de soupe aux baies de Godji pour soigner une crise de foie ; mangez plutôt cette soupe une fois par semaine, afin d’entretenir le bon fonctionnement de votre foie.