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Le blog

Chronique de Zhanjiang 20

Vingt quatre heures avec Mujigae

Quand on parle de cyclones, on pense à ceux qui menacent régulièrement les Antilles et la cote est des Etats-Unis. On pense aussi à ceux qui font des ravages au Japon ou aux Philippines. Mais on parlent rarement de ceux qui frappent le sud de la Chine et le Vietnam. Pour ma part, je les avais presque oubliés jusqu’à ce que Mujigae débarque sans crier gare et me rappelle brutalement que nous habitions en zone cyclonique et que c’était précisément la saison des cyclones.

Tout a commencé par une rumeur persistante qui s’est répandu dans notre immeuble jusqu’à parvenir aux oreilles de ma femme : une tempête tropicale était en train de se muer en cyclone et se dirigeait droit sur nous. Comme je m’étais déjà penché sur le sujet, il y a un an, lors de notre installation, je me suis connecté sur le site de l’observatoire météo de Hongkong et j’ai constaté qu’effectivement, un cyclone était en formation et que, selon les prévisions, sa trajectoire le faisait passer sur Zhanjiang et la région. Ce n’était encore qu’un petit cyclone de catégorie 1 situé à presque 300 km des cotes mais l’observatoire de Hongkong prévoyait son passage en catégorie 2, avec des rafales de vent atteignant les 150 km/h lors de son arrivée sur le littorale.

Le site de l'observatoire météo de Hongkong affiche la carte de l'évolution prévue du cyclone Mujigae.
Le site de l’observatoire météo de Hongkong affiche la carte de l’évolution prévue du cyclone Mujigae.

Pour avoir déjà vécu le passage de quelques cyclones sur l’île de Marie-Galante, je sais que nous allons passer un moment désagréable et sans doute subir des dégâts matériels. Mais comme cette fois nous habitons dans un immeuble en dur, au cœur d’un ilot, et non pas dans une case en bois coiffée d’un toit de tôle, en bordure de mer, comme c’était le cas à Marie-Galante, je ne sais qu’il n’y a pas de quoi s’inquiéter ; les problèmes surviendront après le passage du cyclone avec les inévitables coupures d’eau, de courant et de connexion Internet.

Pour le moment, il s’agit surtout de vérifier que toutes les fenêtres ferment correctement, que nous avons des bougies, des piles pour la lampe torche et suffisament d’eau et de cigarettes pour soutenir un siège de 24 heures. Comme tous ces produits manquent à l’appel, je fais un saut au supermarché pour faire quelques emplettes, et je constate que, curieusement, il n’y a pas foule. C’est vrai qu’il n’est que six heures du soir et que le cyclone ne devrait pas débouler avant le lendemain matin. C’est vrai aussi, que cette année, le Moon Cake Festival coincide avec la Fête Nationale et que tous les autochtones entendent bien en profiter jusqu’au dernier moment de leurs quelques jours de vacances.

Dimanche 4 octobre

Comme prévu, vers 7 heure du matin, Mujigae fait son entrée en scène: rafales de vent, pluies diluviennes. On ferme les quelques fenêtres qui étaient encore ouvertes. Trois heures plus tard, le vent forci et les tôles commencent à voler. Celles qui prolongent le balcon en une espèce de bow-window ne résistent pas très longtemps, elles s’envolent avec le cendrier que j’y ai oublié. De même que les toitures des appentis qui squattent une partie de la cour. Mais ce n’est que le début ; vers midi Mujigae se déchaîne véritablement et à ce moment-là on se croirait sur la passerelle d’un bateau au milieu de la tempête. Des bourrasques d’eau viennent s’écraser contre les fenêtres, s’infiltrant mêmes entre les interstices pour inonder mon bureau. Je n’ai qu’une seule crainte ; que l’une de ces fenêtres ne cède sous la pression du vent.

Durant deux heures encore, le cyclone cogne sans relâche et soudainement, tout s’arrête. Nous sommes dans l’œil du cyclone, une zone de calme trompeuse, une sorte d’entracte avant la seconde partie qui risque d’être aussi dure que la première. La trêve dure deux heures et la reprise est brutale ; en l’espace de quelques minutes, les vents tourbillonnants sont de retour, accompagnés de vagues de pluie. Entre temps, la nuit est tombée et la ville se retrouve dans le noir, sans eau, sans électricité et sans réseau. Le cyclone poursuivant sa route, les vents se calment peu à peu dans la soirée, cédant la place à des pluies torrentielles.

Lundi 5 octobre

Danes les rues de Zhenjiang (Chine) après le passage du cyclone Mujigae
Danes les rues de Zhenjiang (Chine) après le passage du cyclone Mujigae

Le lendemain matin, comme tous les habitants du quartier, nous nous réveillons un peu groggy et je sors faire un tour pour découvrir l’ampleur des dégâts. Un pâle soleil éclaire un décor d’apocalypse ; des arbres sont couchés en travers des rues, d’autres à moitié déracinés, d’énormes branches arrachées par le cyclone jonchent les trottoirs. Mais peu de dommages sur les constructions, à part quelques enseignes arrachées, comme celle de l’hôpital qui a perdu les trois-quarts de ses lettres. A sept heures du matin la vie a déjà repris son cours ; les équipes de la voirie sont à pied d’œuvre pour dégager un passage pour les voitures sur les principaux axes et les habitants du quartier partent en quête d’une boulangerie pour acheter leur petit-déjeuner ou faire des provisions d’eau car la coupure d’eau risque de se prolonger durant quelques jours.

En poursuivant le tour du quartier, je passe devant le puits qui d’ordinaire est désert ; ce matin, une vingtaine de personnes fait sagement la queue pour remplir des seaux en plastique. Je pense alors qu’il serait temps pour nous aussi de faire provision d’eau mais comme il est encore tôt, je préfère attendre la réouverture du supermarché. Mauvaise idée car moins d’une demie-heure après son ouverture, le rayon des eaux minérales a été dévalisé et il ne reste plus une seule bouteille.

Après le passage du cyclone Mujigae, des habitants du quartier font la queue devant le puit.
Après le passage du cyclone Mujigae, des habitants du quartier font la queue devant le puit.

Finalement l’eau courante revient dans la journée mais il faudra attendre le lendemain soir pour le retour du courant ; un retour salué par une clameur et des applaudissements qui ont retenti dans tous le quartier. Quand au réseau Internet, il est toujours inaccessible à l’heure où j’écris ce billet, trois jours après le passage de Mujigae.