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Le blog

Hanoi – Phonsavan – 16 Janvier 2013

De Hanoi à Phonsavan, en bus

Comme tous les petits hôtels de charme, le Real Vietnam Hotel est un endroit dangereux car on s’y habitue très vite. Et si ce n’était le prix, un tout petit peu au-dessus de nos moyens, j’y passerai volontiers une semaine. Heureusement, nous avons réservé nos billets pour le Laos et le départ est imminent.

Sept cent kilomètres de route, 18 heures de voyage, départ à 5 heures du soir et arrivée le lendemain à Phonsavan vers midi. Nous savons à peu près ce qui nous attend. Nous avons déjà fait des trajets similaires entre la Chine et le Laos, et d’autres à peine plus courts lorsque nous remontions le Mékong en bus de Phnom Pehn à Vientiane ; cette petite balade ne nous effraie pas.

C’est une question de préparation, choisir de bonnes couchettes, si possible en évitant l’arrière du car, prévoir suffisament d’eau et de provision de bouche, car on ne sait jamais si le chauffeur va s’arrêter, et pour combien de temps. Bref, mettre toute les chances de son côté pour rendre le voyage aussi confortable que possible. Celui que nous entamons ce soir-là, sera comme tous nos voyages en bus dans le Sud de l’Asie, imprévisible.

Vers 5 heures du soir, un employé de l’agence de voyage, à moins que ce ne soit un employé de la compagnie de bus passe à notre hôtel pour nous « prendre ». Il est en scooter ! Il charge nos deux sacs à dos sur sa « monture » et file à tout allure dans la ruelle, en espérant que nous courrons assez vite pour le ratrapper. L’homme n’a aucune intention malhonnête, il pensait simplement que nous pourrions monter à 3 sur le scooter pour rejoindre le lieux de rendez-vous des voyageurs pour le Laos.

Finalement, il nous attend au coin de la rue et nous progressons au pas, bientôt rejoints par d’autres touristes qui séjournent dans des hôtels du quartier. Première halte devant un hôtel, à la périphérie du quartier historique ; c’est le point de ralliement de tous ceux qui quittent Hanoi en bus. Après une demie-heure d’attente, un minibus arrive qui charge notre groupe. Direction la gare routière du sud d’Hanoi. Vingt minutes plus tard, le minibus nous dépose, toujours sans aucune explication, sur le bord d’une grande avenue. Un « guide » nous rejoint et commence à faire le « tri » ; les voyageurs pour Vientiane, à gauche, ceux qui vont à Luang Prabang à droite. Et ceux qui s’arrêtent à Phonsavan ? Ils suivront de groupe de Luang Prabang. Nous ne sommes que deux dans ce cas, et nous attendons la suite sur le bord de l’avenue. Pour tout billets, nous n’avons que les récepissés de l’agence de voyages. Mais pas de quoi s’inquiétér. Nous aurons des places dans un bus. Quelles places ? Dans quel bus ? C’est une autre histoire.

La nuit est tombée depuis longtemps lorsqu’un « accompagnateur » vient chercher le groupe de Luang Prabang. Nous le suivons au pas de course vers la gare routière qui est toute proche. Détour par le guichets des billets où, après avoir montré nos passeports et nos visas pour le Laos, nous échangeons nos réservations contre de véritables tickets. Puis descente vers le quai d’embarquement. Le bus est déjà bondé et les soutes pleines à craquer. Je rassure un couple de touristes français (plus tout jeune) pour qui c’est le premier voyage en bus. Mais je ne sais pas moi même si nous allons pouvoir réellement embarquer. Je repère le chauffeur, l’interpelle et l’engueule. Ça ne changera rien, mais il rouvre les portes du bus et nous fait signe d’embarquer avec nos sacs. Nous otons nos chaussures et les plaçons dans des sacs en plastiques, gracieusement offerts par la compagnie et nous frayons un chemin dans le couloir central. Les couchettes que nous avions réservées sont occupées depuis longtemps. De toute manière ce n’est pas le bus que nous avait vendu l’agence de voyage.

Après avoir calé nos sacs au milieu de l’allée centrale, nous nous retrouvons donc au fond du bus dans un espace situé au dessus du compartiment moteur et divisé en cinq couchettes. Il faudra faire avec. Heureusement, dés que le bus aura quitté la gare routière et l’agglomération de Hanoi, il devrait s’arrêter pour le diner. C’est du moins ce que j’ai assuré au couple de français qui s’est installé juste devant nous.

Vers huit heures du soir, le bus démarre enfin et nous prenons la route du sud. Une heure et demie plus tard, le bus s’arrête dans les faubours de Ninh Binh. Pour la majorité des voyageurs, c’est une halte ordinaire. Pour nous c’est un retour dans ville que nous connaissons bien. En effet, avant de partir à Sa Pa, nous y avons passé la journée pour visiter une fabrique de bols en bambou ; et deux ans plus tôt, nous y avions séjourné quelques jours en touristes. Mais contrairement à l’espoir de certains voyageurs, cette halte est une livraison et non pas un arrêt restaurant. Les chauffeurs déchargent des fournitures pour une entreprise qui occupaient une grande partie des soutes. Pas le temps de déménager les bagages qui occupent l’allée centrale du bus. Après un rapide comptage des passagers, le bus reprend la route.

Nous avons depuis longtemps abandonné les grands axes de circulation et avec eux l’espoir d’un arrêt pour le diner. Chacun sort ses provisions et se restaure comme il peut. Puis on s’installe pour la nuit ; une nuit ponctuée d’arrêts divers, toilette, essence et livraison. Jusqu’à l’aube qui nous retrouve en pleine montagne, sur une route en lacets qui longe des gorges. Difficile de savoir où nous nous trouvons. Seule certitude, nous n’avons pas encore passé la frontière du Laos.

Dans ce genre de situation, la seule solution est de sortir l’iPad. Ma chere tablette est en effet, un précieux compagnon de voyage qui fait à la fois office de liseuse et permet ainsi d’embarquer des dizaines de romans sans pour autant plomber nos bagages. Mais grâce à son GPS et un jeu de cartes routières, elle nous permet aussi de nous localiser assez précisément, même au fin fond de l’Asie sans connexion Internet.

Le verdict tombe assez rapidement, nous sommes à une cinquantaine de kilomètres de la frontière ; soit à peu près deux heures de route. Si tout se passe bien, nous devrions arriver pour le déjeuner à Phonsavan.

Effectivement, vers 7 heures du matin, le bus s’arrête au poste frontière de NamCan. Les formalités de sortie ne traînent pas, mais nous ne sommes pas les seuls à sortir du Vietnam par cet itinéraire, et il faudra bien une heure pour que tous les passagers du bus ressortent avec leur passeports tamponnés. Direction le poste frontière du Laos. Nous traversons à pied le no man’s land, suivi par le bus.

Côté Laos, les formailités devraient être rapides, à condition que tout le monde ait son visa. Mais bien sûr, ce n’est pas le cas. Ils sont une quinzaines à ne pas avoir demandé de visa pour Laos, pensant à juste titre qu’on pouvait l’obtenir à la frontière. Mais à la frontière, on paye en dollars et tout le monde n’a pas des dollars dans son poretefeuille. Commence alors une longue attente, à faire les cents pas sur le parking où le bus nous a rejoint. Si seulement, il y avait un petit restaurant. Nous aurions dix fois le temps de prendre un copieux petit déjeuner ?

Mais les abords du poste frontière sont déserts. Pas si désert que ça, comme nous le constaterons un peu plus tard. Mais suffisament désert pour un piéton qui hésite à s’éloigner à plus de trois cent mètres du bus dans lequel sont ses bagages et qui doit lui permettre de rejoindre un endroit civilisé.

L’heure tourne et la faim commence à se faire ressentir ; nous avons mangé quelques patisseries depuis notre départ de Hanoi, et à présent il ne nous reste que quelques paquets de biscuits. Quand les derniers passagers regagnent le bus, il est dix heures passées. Avec un peu de chance, nous serons à Phonsavan pour à l’heure du gouter.

Le car s’ébranle lentement sur l’unique route en lacets qui relie la frontière à Phonsavan, et quelques kilomètres plus loin, il s’arrête devant une baraque de planches disjointes qui fait office d’épicerie et de restaurant. C’est une simple halte de ravitaillement et la moitié des passagers ne quitte pas leur couchettes, persuadés que le car va reprendre la route rapidement. Nous faisons de même, mais l’arrêt se prolonge, et bientôt le bruit cours que la route serait coupée en amont par un camion qui se serait renversé dans un virage.

La rumeur enfle et se confirme : un camion de riz à versé dans un tournant ; la route est bloquée et il va falloir attendre 5 ou 6 heures que les dépanneuses arrivent et dégagent le passage. Nous avons donc le temps de nous restaurer. En fait, juste le temps que les chauffeurs décident de reprendre le volant pour s’arrêter une nouvelle fois, quelques kilomètres plus loin, deux virages en dessous du lieu de l’accident.

La scène est impressionnante ; dans un virage étroit, bordé d’un mauvais fossé, le semi-remorque qui transportait quelques centaines de sacs de riz s’est couché. La remorque s’est adossée à la montagne, tandis que le tracteur se retrouve en équilibre instable sur ses roues de droite. A priori, il faudra un équipement lourd pour dégager la route et nous commençons à envisager de passer une nuit de plus dans le bus.

Il n’y a pas de dépanneuse dans les environs, et de toute manière la route est maintenant encombrée des deux côtés par une noria de camions, petits et gros, de pickups et de bus qui attendent que la voie se dégage. Mais les hommes se sont mis au travail, ils déchargent sur le flanc de la montagne les sacs de riz de 50 kgs qui lestent le camion. En moins d’une heure, ils ont quasiment vidé la remorque ; et tout à coup, comme par magie, elle se redresse ; ses roues touchent à nouveau la chaussée, suivies par celles du tracteur. On applaudit l’exploit, tandis que le chauffeur qui s’est déjà installé au volant, fait glisser le convoi d’une dizaine de mètres pour libérer le passage.

L’opération de sauvetage aura duré à peine deux heures ; nous rejoignons le bus qui reprend la route de Phonsavan. Encore une fois, si tout se passe bien, nous devrions arriver en début de soirée. Mais sur cette route où le trafic est dense, on est toujours à la merci d’un accident. Alors que la nuit est tombée de nouveau, le bus s’arrête à l’entrée d’un village. Nous sommes à peine à trente kilomètres de notre destination. Un pickup a heurté un bus local. Apparement, il n’y a aucun blessé, mais ici on préfère attendre la police sans déplacer les véhicules pour faire un constat.

Nous sommes à nouveau sur le bord de la route à attendre l’arrivée de la maréchaussée. Le pickup flambant neuf est immobilisé au milieu de la route et ne semble pas avoir subi de dommages importants. Une aile un peu froissée, rien de plus. Les voitures de petits gabarits arrivent à contourner l’obstacle en passant sur le côté, mais pour un gros bus de tourisme comme le notre, c’est impossible. La police arrive enfin, sans doute de Phonsavan. Les fonctionnaires font quelques clichés à l’aide d’un petit appareil photo numérique ; prennent des mesures sur la chaussée, puis demande au chauffeur de déplacer son pickup. Nous remontons dans le bus, en espérant cette fois que notre prochaine arrêt sera à Phonsavan. Il reste environ une heure de route, et encore une fois, si tout se passe bien, nous seront en ville pour le diner.

Je ne sais pas s’il faut remercier nos chauffeurs ou Boudha qui a veillé sur notre convoi ; les premiers ayant encensé le second tout au long du voyage. Toujours est-il que vers huit heures du soir, le bus fait son entrée dans les rues éclairées d’une bourgade. Dans le bus, personne ne réagit. Il est vrai que nous sommes les seuls à nous arrêter ici. Nos compagnons de voyages devront encore endurer 10 heures de route.

Après avoir roulé encore un petit kilomètre, le bus s’immobilise enfin devant un groupe de commerces vivement éclairé. Personne n’y croit vraiment, mais nous sommes bien arrivés à Phonsavan. Nous attendons patiement que le bus se vide, nous récupérons nos bagages dans l’allée centrale et nous sortons du bus sous le regard surpris des autres passagers qui ignorent encore que pour nous c’est la fin du voyage. Ce soir nous dormirons dans un vrai lit, à condition de trouver un hôtel à proximité.

De l’autre côté de la grand rue, clignotent les enseignes de plusieurs guesthouses. Nous choisissons la plus proche ; la chambre est correcte, tout comme son prix. En quelques minutes, l’affaires est réglée. Nous montons nos sacs, faisons un brin de toilette et ressortons pour manger un morceau avant que les quelques restaurants qui sont encore ouverts ne ferment boutique.

On y retrouve naturellement nos compagnons de voyage qui profitent de cette halte pour se restaurer avant de reprendre la route. De notre coté, plus rien ne presse, nous commandons des bières, des fruits et des grandes assiettes de riz sauté. A cette heure ci, il n’y a plus vraiment le choix. Puis c’est le moment du départ. Les chauffeurs ont terminé leur repas, ils rouvent les portes du bus et rameutent les retardataires de quelques coups de klaxon. Mais personnes n’est allé vraiment loin. Tous les passagers regagnent leur couchette, et nous regardons le bus s’éloigner dans la tiédeur de la nuit. Dans quelques jours nous prendrons la même route, mais dans un bus de jour.