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Le blog

Rangoon – 31 Décembre 2013

Dans le train de nuit pour Mandalay

Il  y a apparemment deux trains de nuit qui relient Rangoon à Mandalay, le premier part à quinze heures et arrive vers 6 heures du matin ; le second part deux heures plus tard et arrive vers 9 heures et demie. En toute logique, nous aurions dû réserver des billets pour le second, mais pour des amateurs de voyages en train, comme nous, le wagon-restaurant fait partie des ingrédients indispensables du voyage, et selon les informations glanées sur seat61.com, le train de 17 heures en serait dépourvu.

Dans le train Rangoon - Mandalay
Dans le train Rangoon – Mandalay

N’ayant pas grand chose à faire avant le départ, nous prenons donc un taxi qui nous dépose devant la gare centrale sur le coup de 2 heures. Des porteurs s’emparent de nos sacs et nous les suivons jusqu’au quai numéro 2. Premier pourboire tarifé, et nous nous installons pour attendre le train qui arrive beaucoup plus tôt que nous ne le pensions. Un employé prend notre billets et nous conduit jusqu’au wagon des sleepers (il n’y en a qu’un par train) situé jusqu’à côté du wagon-restaurant. Un autre porteur nous précède avec les sacs ; il faudra également le rétribuer.

On s’en doutait déjà avant de monter à bord, le train de Mandalay comme tous les trains birmans n’est pas de la première jeunesse : portes et fenêtres en bois, vieux ventilateur fixé au plafond, éclairage minimaliste (quand il fonctionne)… mais c’est aussi ce qui fait le charme de ces vieux trains. Le porteur dépose les sacs dans le compartiment de 4 couchettes et déjà le responsable du wagon restaurant rapplique. Il veut à tout prix prendre notre commande pour le dîner. Comme il est encore un peu tôt, nous déclinons l’offre poliment. Il repassera encore deux ou trois fois avant le départ du train.

Quelques minutes après notre arrivée, un couple précédé d’un porteur s’installe dans le compartiment. Ce sont des autochtones dans la soixantaine plutôt aisés. Comme ils ne parlent pas un mot d’anglais, notre tentative de conversation s’épuise rapidement. Commence ensuite le défilé des gamins et gamines qui proposent des bouteilles d’eau, des mandarines, des pommes, des mouchoirs en papier et toutes sortes de denrées non identifiées.

Les cinq compartiments du wagon des sleepers se sont remplis, essentiellement de locaux, et c’est le moment du départ. Durant la première heure de voyage, le train roule lentement en traversant les différents quartie de Rangoon, puis la ville cède la place à la campagne et le convoi accélère progressivement  pour atteindre sa vitesse de croisière : 50-60 km/h. On découvre alors que les amortisseurs de tous ces wagons sont morts depuis longtemps car le train se met à danser et à tressauter dans tous les sens. A quatre heures de l’après midi, alors que l’on regarde le paysage défiler par la fenêtre grande ouverte, on trouve ça plutôt amusant. On réalisera plus tard, à l’heure du dîner puis au moment de se coucher que c’est assez inconfortable.

Vers six heures du soir il fait déjà nuit noire, le serveur du wagon-restaurant est passé depuis longtemps pour prendre notre commande, et il reste encore une heure à tirer avant le dîner. Comme rien ne nous empêche de changer cet horaire, nous patientons encore une demie-heure avant de nous rendre au wagon-restaurant. Il n’y a qu’une moitié de wagon à traverser, mais ce parcours revient à s’engager sur la passerelle d’un bateau au cœur de la tempête. La seule différence, c’est qu’ici nous ne risquons pas de couler. Nous attendons un instant d’accalmie pour nous lancer et trente seconde plus tard, nous déboulons à l’entrée du wagon-restaurant, sain et sauf.

Contrairement à ce que pensais, le wagon-restaurant est au trois quart vide : une table est occupé par quatre jeunes flics portant chemise et pantalon réglementaire et chaussés de tongs. L’autre par trois touristes coréens qui semblent carburer à la bière depuis le départ de Yangon. Les premiers lorgnent les seconds d’un mauvais œil et semblent attendre un écart de conduite pour remettre à leur place ces étrangers qui se croient tout permis. Mais comme le gouvernement de Myanmar le clame sur tous les murs « We welcome and take care about tourists », il y a peu de chance que ces policiers fassent un excès de zèle. Il n’y aura pas de rixe ce soir dans le Yangon – Mandalay, et nous nous installons à l’une des nombreuses tables libres.

Le train a repris ses oscillations et trépidations lorsque le serveur apporte notre commande : curry de poulet, légumes sautés, riz et bière locale. Reste à tenter de porter à la bouche une parcelle de cette nourriture sans qu’elle ne finisse par terre. Finalement cela ne pose pas vraiment de problème. En revanche, boire une gorgée d’un liquide quelconque au plus fort des trépidations relève de l’exploit. Si l’on ne veut pas s’exploser les dents ou le nez sur le bord d’un verre, mieux vaut attendre un moment de répit pour se désaltérer.

Le riz était froid, le poulet au curry trop épicé et l’addition un peu salée. Mais lorsqu’on a 15 heures à passer dans un train, on s’occupe comme on peut. Et il est déjà huit heures lorsque nous regagnons notre compartiment. Notre compagnon de voyage dort déjà et il a refermé la fenêtre de son côté.  J’en fait autant de mon côté, car depuis la tombée de la nuit, la température s’est considérablement rafraîchie et la compagnie ferroviaire de Myanmar ne fournit pas de couverture.